Un livre ouvert à côté d'un ordinateur portable ©Dieter Roosen

La Bundesbank réclame une réforme des règles budgétaires européennes

Les règles budgétaires européennes communes sont « de moins en moins transparentes et prévisibles », critiquent des experts dans le récent Rapport mensuel de la Bundesbank. « Leur application résulte du processus de négociation politique et au lieu d’exigences quantitatives contraignantes, il y a des objectifs souples », écrivent-ils. Il serait ainsi possible de  reporter sans cesse la réduction de ratios d'endettement très élevés contrairement aux règles initialement convenues. Les objectifs quantitatifs fondamentaux seraient certes en principe judicieux et appropriés et ne devraient pas être redéfinis. Il conviendrait toutefois d’y apporter des modifications pour renforcer le caractère contraignant des règles.

Confier la supervision budgétaire à une institution moins politique

Les experts de la Bundesbank suggèrent de rendre les objectifs quantitatifs à nouveau plus contraignants. À cette fin, les exigences devraient être définies de manière transparente et leur mise en œuvre devrait être prévisible. Les nombreuses exceptions permettant de dévier d'une exigence quantitative et les marges d'appréciation, par exemple lors de l’évaluation globale finale, devraient être réduites.

Par ailleurs, la supervision des budgets des États européens devrait être transférée de la Commission européenne à une institution indépendante et moins politique. Les experts considèrent qu’une supervision budgétaire assurée par des instances proches des milieux politiques est inappropriée notamment du fait que les règles sont censées contrecarrer la forte incitation politique à l'endettement excessif. Selon eux, la Commission européenne s’entend toutefois comme une institution politique qui, outre la supervision budgétaire, a de nombreux autres objectifs et tâches. « C’est précisément en raison de la très forte flexibilité et des importantes marges d'appréciation qu’existe le danger que les buts des règles budgétaires passent au second plan », peut-on lire dans le Rapport. L’instance à laquelle la supervision budgétaire pourrait être confiée devrait être dotée d’un mandat clair et restreint et ne pas poursuivre des objectifs opposés, recommandent les économistes.

Réglementation des dépenses : tout dépend de la conception

L’étude se penche également sur une autre réforme envisageable, à savoir l’option de lier le plafonnement des déficits  à des limites quant aux dépenses autorisées. « Cela pourrait effectivement simplifier les règles dans certains domaines », écrivent les experts. Il conviendrait toutefois de veiller lors de la conception à ne pas créer de nouvelles possibilités de contourner les plafonds. Par conséquent, les experts conseillent que les limites des dépenses autorisées soient alignés sur les exigences fondamentales relatives aux objectifs budgétaires à moyen terme des différents États. Ainsi, le Pacte de stabilité et de croissance prévoit que les États membres atteignent un budget pratiquement équilibré en termes structurels afin de réduire  leur ratio d'endettement dans les meilleurs délais.

En outre, les experts de la Bundesbank recommandent de définir les objectifs de dépenses uniquement pour l’exercice budgétaire suivant et non pas pour plusieurs années. Selon eux, la proposition discutée dans les milieux spécialisés, à savoir de fixer les objectifs de dépenses pour une période législative, pose des problèmes à cet égard. « En effet, à défaut de contre-mesures, les déficits pourraient augmenter dans ce temps », argumentent les experts de la Bundesbank. De toute façon, il serait judicieux de consigner sur des comptes de contrôle dans quelle mesure les objectifs budgétaires sont dépassés ou ne sont pas atteints. En cas de déficit important, celui-ci devrait être réduit conformément aux règles applicables. Une augmentation indésirable des dettes pourrait ainsi être évitée.

Profiter des périodes fastes pour constituer des réserves pour les périodes difficiles

Dans l'étude, les auteurs discutent également la question d’introduire des « Rainy Day Funds » dans les règles budgétaires. L’idée fondamentale de tels fonds est de profiter des périodes fastes pour constituer des réserves pour les périodes difficiles. Dans un premier temps, les fonds devraient pouvoir être alimentés en dépassant les exigences budgétaires. Plus tard, des moyens pourraient en être retirés pour respecter plus facilement les objectifs. « Il serait recommandable d’utiliser de tels coussins uniquement pour pallier à des charges imprévues tout en respectant les règles applicables », écrivent les économistes. En revanche, les propositions discutées dans les milieux spécialisés de créer un « Rainy Day Fund » européen, ne convainquent pas les experts. « Des solutions nationales semblent, en principe, plus opportunes dans le cadre réglementaire actuel de l’Union monétaire, étant donné que les États membres sont eux-mêmes responsables de leur politique financière », peut-on lire.

Faire preuve de prudence lorsqu’il s’agit de financer les investissements par la dette

Un autre thème de l’étude porte sur les « règles d’or ». Celles-ci permettent aux États de s’endetter à des fins d’investissements, ce qui n’est pas prévu dans les règles budgétaires européennes. Des règles budgétaires comparables appliquées des années durant en Allemagne ne se sont pas révélées efficaces, écrivent les experts de la Bundesbank. Si une « règle d’or » était envisagée malgré les problèmes du respect des exigences européennes, les risques devraient être limités dans la mesure du possible. À cet égard, les experts de la Bundesbank demandent que les investissements ne devraient pas permettre de creuser les déficits infiniment. La réduction des ratios d'endettement élevés devrait par ailleurs se poursuivre au rythme ambitieux actuellement prévu.