Pionnier de l'indépendance de la Bundesbank

Wilhelm Vocke, Membre du directoire de la Reichsbank 1919-1939, Président du directoire de la Bank deutscher Länder 1948-1957 ©Bundesbank
Wilhelm Vocke, Membre du directoire de la Reichsbank 1919-1939, Président du directoire de la Bank deutscher Länder 1948-1957
Sa réponse ne parvint que 24 heures plus tard, polie, mais ferme. "Je dois rappeler que des mesures coercitives en matière de politique de crédit relèvent de la compétence du Conseil de la banque centrale et que messieurs les ministres fédéraux de l'Économie et des Finances sont régulièrement invités à participer à ses réunions!" Telles furent les lignes que Wilhelm Vocke envoya le 8 novembre 1955 au chancelier fédéral de l'époque, Konrad Adenauer, après que celui-ci eut prié, la veille, le président de "ne pas décréter des mesures coercitives sans qu'il n'y ait eu, au préalable, une concertation avec le gouvernement fédéral". Il paraît que cette brève correspondance était typique pour le caractère de Wilhelm Vocke - lucide, persuadé de sa définition d'une monnaie stable. Dans ses mémoires parues en 1973, il écrit que ce fut notamment sa détermination qui contribua au fait que ses rapports avec le chancelier fédéral de l'époque se soient "détériorées au fil des ans". Dans un discours tenu en 1956, Adenauer attaqua vivement le Conseil de la banque centrale : "Nous avons à faire ici à une institution qui n'est responsable devant personne, ni devant un parlement, ni devant un gouvernement." Et il a rajouté que les récentes décisions de la banque centrale iraient "guillotiner les petites gens". Mais M. Vocke a résisté à la pression de la politique et a ainsi ancré l'indépendance de la banque centrale dans la société.

Membre du directoire de la Reichsbank à l'âge de 33 ans déjà

Après avoir fait des études en droit et en économie nationale et passé de brefs séjours auprès de l'administration fiscale de Würzburg et de l'office national des brevets, M. Vocke entra en 1913 au ministère de l'Intérieur du Reich, où il devint responsable des questions bancaires et monétaires ainsi que conseiller de la Reichsbank, qu'il intégra en avril 1918 en tant qu'assistant du directoire. Une bonne douzaine de mois plus tard seulement, il fut nommé membre du directoire et promu au rang de "Geheimer Finanzrat" (ou abrégé "Geheimrat") par le président du Reich, Friedrich Ebert.

Initiateur du mémorandum contre Hitler

Lorsque la Reichsbank obtint son indépendance au début des années 1920, M. Vocke garda sa place au sein du directoire. Après la prise de pouvoir par le régime national-socialiste, le président de la Reichsbank, Hjalmar Schacht, fut également nommé en 1934 ministre national de l'Économie, bien qu'il ne fût pas membre du NSDAP. M. Schacht a soutenu le financement de l'industrie de l'armement par le truchement de la banque centrale en créant l'instrument des bons MEFO ; les membres du directoire de la Reichsbank n'en furent toutefois informés que plus tard, peut-on lire dans les mémoires de M. Vocke. Lorsqu’il devint de plus en plus clair, vers la fin des années 1930, que cette forme de financement de l'industrie de l'armement accélérait l'inflation, le directoire de la Reichsbank voulu y mettre fin. Dans une lettre de janvier 1939 adressée au "Führer et chancelier du Reich", le directoire demanda entre autres une couverture immédiate du déficit public par l'introduction de nouveaux impôts. M. Vocke fut l'auteur du projet de ce mémorandum. Brusqué, Hitler réagit à cette lettre en révoquant l'ensemble des membres du directoire et en soumettant la Reichsbank directement à ses ordres.

Ainsi, pendant toute la durée de la Seconde Guerre mondiale, Wilhelm Vocke mena une vie de rentier. "Je ne fus pas poursuivi, mais j'étais banni de la société" écrivit-il plus tard dans ses mémoires. "J'ai aimé mon métier tant que je n'ai pas dû l'exercer sous le régime hitlérien" nota M. Vocke. Ses bonnes relations avec la Bank of England lui ont permis après l'effondrement du Troisième Reich en 1945 de retourner à la banque centrale ; en effet, il fut rapidement nommé responsable adjoint de la direction de la Reichsbank à Hambourg, située dans la zone d'occupation britannique, pour ensuite être nommé en 1948 par le Conseil de la banque centrale au poste de président du directoire de la Bank deutscher Länder.

12ème réunion du Conseil de la Deutsche Bundesbank à Francfort-sur-le-Main, le 18 décembre 1957; de g.à d.: Pfleiderer, Könneke ©Bundesbank
12ème réunion du Conseil de la Deutsche Bundesbank à Francfort-sur-le-Main, le 18 décembre 1957; de g.à d.: Pfleiderer, Könneker, Bernard, Vocke, Stenograf, Boden, Burkhardt
Pendant sa présidence, il fut un fervent défenseur d'une monnaie stable. C'est ainsi qu'il demanda dès 1955 aux partenaires sociaux de faire preuve de modération salariale afin de ne pas compromettre la stabilité des prix. Tout comme son successeur Karl Blessing (1957-1969), M. Vocke s'est opposé à une appréciation du Deutsche Mark, qui fut toutefois imposée par le ministre fédéral de l'Économie de l'époque, Ludwig Erhard. Et il attira dès 1956 l'attention sur le fait que les actions étaient négligées comme forme de placement dans la formation de patrimoine. En 1957, M. Vocke fut remercié - tout comme Karl Bernard, le président du Conseil de la banque centrale. Un départ accompagné de contributions critiques des médias : "Le chancelier n'a pas oublié sa rancune - l'industrie souhaitait elle aussi le départ de Vocke", titra par exemple la "Nordwestdeutsche Rundschau". Après sa période en activité, M. Vocke a tenu en 1958 un discours à New York, dans lequel il a expliqué sa philosophie en matière de politique monétaire. Sa conclusion : "La politique monétaire est la politique qui consiste à établir et à maintenir la confiance". Wilhelm Vocke est décédé en 1973.