Weidmann considère qu'une garantie des dépôts commune serait prématurée

Le président de la Bundesbank, Jens Weidmann, s'est prononcé contre la création rapide d'un système commun de garantie des dépôts au sein de la zone euro. Ce dernier se démarque ainsi, dans un point important, du "rapport des cinq présidents" sur l'avenir de l'Union monétaire, présenté par la Commission européenne. Dans ce rapport soumis par Jean-Claude Juncker, les présidents d'importantes institutions européennes, dont Donald Tusk, Jeroen Dijsselbloem, Mario Draghi et Martin Schulz, ont souhaité que l'on parvienne à un accord sur l'introduction d'une garantie des dépôts d'ici l'année 2017.

Compte tenu de la surveillance bancaire commune, l'introduction d'une garantie des dépôts commune tout au moins pour les instituts directement surveillés par la Banque centrale européenne serait dans une certaine mesure conséquente, a indiqué M. Weidmann dans un discours adressé à l'association des entrepreneurs de l'arrondissement de Gütersloh (Unternehmerverband für den Kreis Gütersloh). "Toutefois, le bonheur et le malheur des banques ne dépendent pas uniquement de la surveillance bancaire, mais ils continuent à être influencés dans une large mesure par la politique économique et les législations nationales" a-t-il poursuivi. "Un partage transfrontalier des risques dans le domaine de la garantie des dépôts me semble par conséquent prématuré" a déclaré le président de la Bundesbank.

Pour illustrer l'influence nationale sur le secteur bancaire, M. Weidmann a cité les réglementations nationales relatives à l'insolvabilité. Ainsi, des réglementations très larges concernant l'insolvabilité d'entreprises ou de particuliers peuvent compromettre la rentabilité des banques et permettre de reporter des charges du secteur privé ou du secteur public dans les bilans des banques. "Si, par conséquent, ces banques se retrouvent en situation difficile, les déposants d'autres pays devraient donc de fait en payer la facture" a souligné M. Weidmann les dangers d'une garantie des dépôts commune. Celui-ci considère que la création d'un régime d'assurance-chômage commun, comme cela est parfois demandé, est elle aussi prématurée. Pour M. Weidmann, cela vaut tant que les Etats membres définissent eux-mêmes les principales conditions cadres pour davantage d'emplois. Parmi ces mesures figurent entre autres la mise en œuvre de réformes du marché du travail ou des investissements en matière d'éducation.

Des transferts durables à sens unique

Une assurance-chômage commune ou d'autres instruments de péréquation budgétaire pourraient certes amortir des chocs spécifiques à un pays. M. Weidmann craint toutefois que de tels versements pourraient se transformer en transferts durables à sens unique. Selon lui, "des transferts réguliers sans création d'une véritable union budgétaire seraient comme si l'on augmentait l'angle d'inclinaison d'un tableau accroché de travers". À l'instar de ce tableau, le déséquilibre entre la responsabilité et le contrôle serait encore accru. Les risques seraient répartis sur les épaules de l'ensemble des pays de la zone euro au moyen d'une responsabilité communautaire, alors que le droit de contrôle demeurerait auprès des différents Etats. Pour pallier à ce déséquilibre, des droits de contrôle et des droits souverains efficaces devraient être transférés au niveau européen. Du point de vue du président de la Bundesbank, les pays de la zone euro ont toutefois du mal à franchir un tel pas. Dans ce contexte, M. Weidmann a critiqué le fait que les propositions de réformes présentées par les cinq présidents vont certes clairement dans le sens d'une centralisation et d'un partage des risques, mais n'évoquent pas des droits de contrôle communs. À son avis, une véritable union budgétaire, voire une union politique, suppose toutefois une certaine perte de souveraineté. Or, cela nécessiterait une modification non seulement des traités européens, mais souvent aussi des constitutions nationales.

Le renforcement du cadre de Maastricht est la voie à suivre

M. Weidmann considère qu'en absence d'une volonté politique d'adopter de telles mesures, le renforcement du cadre de Maastricht constitue la voie à suivre pour consolider l'Union monétaire. "Il convient de renforcer le principe de responsabilité" a-t-il indiqué. Pour cela, une série de réformes institutionnelles a déjà été mise en œuvre. À titre d'exemple, M. Weidmann a mentionné la création de l'union bancaire, la régulation plus stricte du marché financier et les règles modifiées du Pacte de stabilité et de croissance. En ce qui concerne les règles en matière d'endettement, le président de la Bundesbank a toutefois critiqué le fait qu'elles permettaient des marges d'interprétation et d'appréciation qui seraient mises à profit pour continuellement retarder la consolidation budgétaire. Selon lui, la Commission européenne a également tendance, en raison de sa double fonction d'institution politique et de gardienne des traités, de faire des compromis au détriment de la discipline budgétaire. "Un cadre de Maastricht renforcé réduirait également la charge des banques centrales de l'Eurosystème" a indiqué M. Weidmann, qui considère que dans la crise, celles-ci ont beaucoup trop souvent dû jouer le rôle d'instance exécutante.

Des règles budgétaires plus strictes ne suffisent pas

Une interprétation plus stricte des règles budgétaires ne suffira pas, selon M. Weidmann, à assurer des finances publiques solides. Ce dernier considère que "la capacité des marchés financiers à discipliner les Etats doit être renforcée". Il devrait être envisageable que les pays de la zone euro admettent l'insolvabilité d'un Etat. "La clause de non renflouage ("no bail-out") manque toute simplement de crédibilité" a indiqué M. Weidmann. L'exclusion réciproque de responsabilité ne peut fonctionner de manière crédible que s'il existe une procédure établie applicable en cas d'insolvabilité d'un Etat, sans que cela ne porte atteinte à la stabilité financière. Or, cela nécessite de mettre fin aux préférences réglementaires accordées aux emprunts publics, a ajouté le président de la Bundesbank. "Le drame grec a montré de manière impressionnante que les emprunts publics ne sont pas dépourvus de risques" a-t-il poursuivi. Il conviendrait par ailleurs d'adopter tant au niveau international qu'européen des réglementations visant à augmenter le capital des banques destiné à faire face à d'éventuelles responsabilités. Selon M. Weidmann, plus les fonds propres et les fonds de tiers répondant des pertes sont importants, plus grande sera la capacité des banques à supporter une éventuelle restructuration des dettes souveraines.