Weidmann lors de son discours à l'université Humboldt de Berlin ©Nils Thies

Weidmann : La politique monétaire doit reconnaître et respecter ses propres limites

Selon l’avis du président de la Deutsche Bundesbank, Jens Weidmann, les banques centrales ne devraient pas se laisser impliquer par la politique budgétaire ou les marchés financiers. « Un des secrets du succès d’une politique monétaire indépendante a toujours été de reconnaître et de respecter ses propres limites », a déclaré M. Weidmann dans un discours tenu au Congrès bancaire européen à Francfort-sur-le-Main. Selon lui, les banques centrales sont incontestablement des institutions puissantes. Mais leurs capacités ne devraient certainement pas être surestimées. « L’indépendance a été accordée à l’Eurosystème afin qu’il remplisse son objectif principal d’assurer la stabilité des prix. Plus nous interprétons notre mandat de manière large, plus nous courons le risque de nous empêtrer dans la politique et de nous surcharger avec trop de tâches », a averti le président de la Bundesbank.

La politique monétaire dépend d’une politique budgétaire solide

Pour préserver la stabilité des prix à long terme, la politique monétaire dépend d’une politique budgétaire solide, a poursuivi M. Weidmann. Il serait par conséquent essentiel que tous les États membres s’engagent dans la voie de finances publiques saines après la crise.

Du point de vue du président de la Bundesbank, trois points doivent être réunis pour assurer une politique monétaire orientée sur la stabilité à long terme : « Tout d’abord, un cadre de politique budgétaire au sein de l’Union monétaire qui garantit des finances publiques saines ; ensuite, des banques centrales qui ne sont pas impliquées par la politique budgétaire ou les marchés financiers ; et finalement, une interprétation étroite de notre mandat. » Par conséquent, la réforme des règles budgétaires de l’UE à venir devrait tirer les leçons du passé.  « Nous avons besoin de règles crédibles et plus contraignantes. À cette fin, celles-ci doivent devenir plus simples et plus transparentes. »

Lagarde : La politique monétaire doit rester patiente et persévérante

La forte hausse de l’inflation enregistrée ces derniers temps et la question de savoir combien de temps cette évolution persistera furent un autre thème de la conférence. Mesuré par rapport à l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH), le renchérissement dans la zone euro s’est établi en octobre à 4,1 pour cent et était par conséquent nettement au-dessus de l’objectif de 2 pour cent à moyen terme fixé par la BCE.

La présidente de la BCE, Christine Lagarde, a souligné dans son discours que la forte hausse des prix actuelle était principalement due à des circonstances exceptionnelles suite à la pandémie. La banque centrale ne devrait pas « procéder trop tôt à un resserrement de la politique monétaire lorsqu’elle est confrontée à des chocs inflationnistes passagers ou liés à l’offre », a déclaré Mme Lagarde. « En une période où le pouvoir d'achat est déjà réduit par des prix d’énergie et de carburant plus élevés, un resserrement inadéquat entraînerait un vent contraire injustifié pour la reprise. » Par conséquent, la politique monétaire devrait rester patiente et persévérante et en même temps veiller à d’éventuelles dynamiques déstabilisatrices.

Weidmann : Ne pas ignorer les risques d’une inflation trop élevée

Le président de la Bundesbank s’est montré inquiet en ce qui concerne l’évolution actuelle des prix dans la zone euro. « Les taux d’inflation élevés prendront probablement plus de temps que prévu pour retomber », a déclaré M. Weidmann. Ainsi, les pénuries au niveau de l’offre pourraient encore perdurer un certain temps. Au-delà de cela, les perspectives en matière de prix sont, selon lui, extrêmement incertaines. « Des anticipations d’inflation plus élevées et une croissance salariale accrue pourraient à moyen terme renforcer les pressions sur les prix. Les retombées de la pandémie pourraient avoir un impact prononcé sur l’évolution de l’inflation », a expliqué le président de la Bundesbank.

Weidmann a appelé à rester vigilant et à ne pas ignorer le risque d’une inflation trop élevée. Compte tenu de l’incertitude considérable portant sur l’évolution de l’inflation, la politique monétaire ne devrait pas trop longtemps s’engager à poursuivre sa politique actuelle très expansionniste, a ajouté M. Weidmann. Il a par ailleurs précisé que « si cela est nécessaire pour préserver la stabilité des prix, la politique monétaire dans son ensemble doit être normalisée. Cela devrait être absolument clair pour tout le monde – pour les marchés financiers tout comme pour les gouvernements, dont les coûts de financement pourraient augmenter. »