Buch : Davantage de fonds propres pour les banques Tribune parue dans le quotidien Le Monde

Un système financier robuste doit être capable de faire face à l’imprévu

L’économie mondiale est actuellement en bonne santé, avec des perspectives positives. Des conditions économiques favorables, une inflation et des taux d’intérêt bas contribuent à la valorisation élevée des marchés financiers. Mais ils peuvent aussi rendre les acteurs de marché excessivement optimistes, alimentant la montée des risques pour la stabilité financière. Pour assurer la robustesse du système financier, il faut donc disposer de réserves suffisantes contre les événements imprévus et veiller à ce que les réformes ne soient pas diluées.

Les marchés anticipent une remontée graduelle des taux d’intérêt. Cela renforcerait la stabilité du système financier : les banques conforteraient leur marge d’intermédiation, en particulier si les taux d’intérêt sortent durablement du territoire négatif. Les assureurs et les organismes de retraite dégageraient plus facilement le revenu nécessaire pour atteindre les rendements promis.

Mais comment les marchés réagiraient-ils à un ralentissement inattendu ? Que se passerait-il si les taux restaient bas pour beaucoup plus longtemps ? Si des risques politiques importants se matérialisaient, faisant bondir les primes de risques ? De tels évènements inattendus pourraient affecter un grand nombre d’acteurs de marché simultanément, ce qui pourrait menacer  le bon fonctionnement de l’ensemble du système financier.

Dégâts Considérables

L’histoire nous enseigne que les crises financières surgissent le plus souvent de façon inattendue. Elles peuvent être à l’origine de dégâts considérables – la production baisse, le chômage augmente et la dette publique grimpe.

Pour être robuste, un système financier doit pouvoir résister aux mauvaises surprises. Des capitaux propres suffisants sont cruciaux, parce qu’ils constituent un mécanisme d’assurance: lorsque le risque se matérialise et que les pertes surviennent, la valeur des fonds propres s’ajuste et les paiements de dividendes peuvent être suspendus. De cette façon, les détenteurs de fonds propres sont exposés aussi bien au risque de perte qu’à la probabilité de gain, tirant les bénéfices des succès et essuyant les coûts des échecs. Les contrats de dette habituels, au contraire, paient un taux d’intérêt convenu à l’avance, quelle que soit la performance. Les risques ne sont alors pas partagés, à moins que les créanciers n’acceptent une restructuration de la dette. Un niveau suffisant de capitaux propres permet donc de s’assurer que les banques peuvent faire face aux mauvaises surprises.

De nombreuses réformes adoptées depuis la crise ont exactement cet objectif : augmenter les fonds propres pour rendre le système financier plus robuste. Les banques doivent maintenant remplir des exigences de fonds propres plus élevées, qui sont en outre accrues pour les plus grandes d’entre elles, dites systémiques. Les réformes vont plus loin encore : les procédures de faillite habituelles n’étant pas adaptées aux banques systémiques, de nouveaux régimes ont été créés pour le redressement et la résolution de tels établissements. Cela réduit la subvention publique implicite et les garanties politiques dont bénéficient les créanciers des banques. Ils ne peuvent plus s’attendre à être secourus aux frais du contribuable.

Avons-nous pour autant atteint l’objectif de rendre le système financier plus robuste ? Et quels sont les effets secondaires potentiels ? Pour répondre à ces questions, le G20 a créé un cadre d’évaluation structuré, qui permet de distinguer l’intérêt privé et public. Les premiers résultats suggèrent que le système bancaire continue à financer correctement l’économie réelle. Dans le même temps, on entend souvent dire que les réformes ont été couteuses pour le secteur financier. De fait, réduire les subventions publiques, en particulier celles accordées aux grandes banques, augmente les coûts pour les actionnaires et les créanciers. Cette augmentation des coûts privés est pourtant un bénéfice pour la société parce que les crises systémiques deviennent moins probables et moins sévères. Les réformes dégagent ainsi un « double dividende » -un système financier qui contribue à la fois à la stabilité et à la croissance économique.