Déclaration liminaire à l’occasion de la conférence de presse sur le bilan 2016

1  Paroles de bienvenue

Mesdames et Messieurs,

je vous souhaite, moi aussi, la bienvenue à la conférence de presse à l’occasion de la présentation des comptes annuels de la Bundesbank pour l’année 2016.

Dans certaines publications, le budget public est qualifié de « carcasse nue de l’État », parce qu’il regroupe toutes les activités de l’État dans leurs implications financières. Étant donné qu’en ce qui concerne le volume financier, la politique monétaire constitue notre principal domaine d’activité, on pourrait donc également voir notre bilan comme une radiographie de la politique monétaire.

L’évolution du bilan est marquée par l’environnement économique, mais aussi notamment par les orientations en matière de politique monétaire définies par le Conseil des gouverneurs de la BCE. Ce sont surtout les décisions d’acquérir à grande échelle des emprunts et d’appliquer un taux d’intérêt négatif aux dépôts des banques auprès de l’Eurosystème qui se reflètent cette année dans notre bilan.

Étant donné que le Conseil des gouverneurs de la BCE avait décidé début 2016 d’étendre les mesures non conventionnelles de politique monétaire, je pense concrètement à l’augmentation des achats mensuels dans le cadre du programme d’achats d’actifs (APP) de 60 milliards d’euros à 80 milliards d’euros, le bilan s’est accru au cours de l’année dernière encore plus rapidement qu’en 2015.

La décision de décembre dernier, d’allonger la durée du programme jusqu’à la fin 2017, avec alors un volume d’achat de nouveau réduit, à partir d’avril 2017, à 60 milliards d’euros, et de procéder à des achats même lorsque les titres acquis ont un rendement inférieur au taux d’intérêt de la facilité de dépôt, aura également des implications sur notre bilan, dont nous devons tenir compte dès aujourd’hui.

Mais avant de vous présenter en détail, avec M. Thiele, les facteurs déterminants de notre bilan et de notre compte de profits et pertes, je voudrais aborder la politique monétaire à la lumière de l’environnement économique ainsi que l’ordre économique internationale.

2 Politique monétaire

Mesdames, Messieurs,

l’environnement économique se distingue en un point essentiel de ce dont nous avons discuté lors de la dernière conférence de presse sur le bilan : en 2015, les citoyens, la classe politique et les marchés financiers étaient surtout en proie à des doutes à la cohésion de la zone euro. En 2016, par contre, notamment des événements en dehors de la zone monétaire commune étaient au centre de l’attention.

Dès le début de l’année, l’évolution dans certains pays émergents, notamment en Chine, a créé un climat d’incertitude. Au cours de l’année se sont ajoutés tout d’abord le vote en faveur du Brexit et, plus tard, le résultat des élections aux États-Unis. Nombreux étaient ceux qui n’avaient pas forcément prévu ces deux résultats. En décembre finalement, l’échec du référendum sur la réforme du droit de vote a abouti au changement de gouvernement en Italie.

Avec tous ces événements s’est réalisé un grand nombre des risques que les économistes avaient jusqu’alors considéré comme des raisons pour un éventuel ralentissement de la reprise économique. Et toutes ces décisions contribuent à ce que l’incertitude liée à d’importantes conditions-cadres de la politique économique est actuellement assez prononcée.

Les marchés financiers et l’économie réelle ont toutefois bien supporté ces surprises. Cela est d’autant plus étonnant que l’incertitude est généralement considérée comme étant l’ennemi d’investissements à long terme.

La politique monétaire toujours très expansive menée dans de nombreuses régions du monde peut, elle aussi, avoir contribué au fait que l’économie mondiale s’est montrée plutôt robuste. En ce qui concerne en particulier le Brexit, l’approche prudente des banques et des autorités de surveillance a sans doute également contribué à éviter d’importantes turbulences sur les marchés.

Cependant, les événements montrent aussi que la reprise s’est consolidée dans la zone euro et qu’elle repose de plus en plus sur des bases saines.

Vous vous souviendrez peut-être que les prévisions de mars l’an dernier avaient tablé sur une croissance de 1,4% pour l’année 2016. Malgré la décision du Brexit et le résultat inattendu des élections aux États-Unis, ce chiffre était finalement même de 1,7%.

Ainsi, la croissance de l’économie a été supérieure à ces des capacités de production. Le taux d’utilisation des entreprises augmente, ce dont profite également le marché du travail dans beaucoup de pays de la zone euro. Le taux de chômage dans l’ensemble de la zone euro zone a reculé au cours de l’année 2016 de presque un point de pourcentage à 9,6%. Il ne se situe ainsi plus qu’à peine un point de pourcentage au-dessus de la moyenne des années précédant la crise.

Des indicateurs de conjoncture actuels semblent confirmer que la reprise économique va se poursuivre. Au cours du dernier trimestre 2016, les ventes au détail et les immatriculations de voitures particulières ont ainsi sensiblement augmenté, et la tendance générale dans la production industrielle pointe nettement vers le haut. Par ailleurs, l’indicateur de confiance de l’Union européenne affiche actuellement la valeur la plus élevée depuis presque six ans.

Les prévisions actuelles de l’Eurosystème de décembre partent du principe que l’économie dans la zone euro progressera cette année de 1,7% et dans les deux années suivantes de 1,6% respectivement.

Ces prévisions sont certes actuellement révisées par les économistes de la BCE, ce qui arrive régulièrement, mais je pense qu’il n’y aura pas de modification majeure. J’ai toutefois l’impression que les risques de détérioration conjoncturelle ont plutôt diminué ces derniers temps.

L’économie allemande continue d’être elle aussi en bonne santé, affichant un taux d’utilisation des capacités nettement plus élevé que dans les autres pays de la zone euro. L’année dernière, le taux d’emploi a de nouveau atteint un record. Grâce notamment à la forte demande intérieure, le produit intérieur brut a, corrigé des jours ouvrables, augmenté de 1,8%.

Cette année et l’année prochaine, l’évolution économique devrait poursuivre sa courbe ascendante. Cette évolution sera de nouveau principalement portée par la demande intérieure.

Les économistes de la Bundesbank prévoient pour l’année 2017 une croissance corrigée des jours ouvrables de 1,8% et pour les années suivantes un taux légèrement inférieur.

Mais les perspectives favorables ne devraient pas cacher que les perspectives de croissance à plus long terme en Allemagne se situent en-dessous de la moyenne. Dans ce contexte, je pense par exemple au fait que dans les années à venir, il y aura davantage de personnes qui partiront à la retraite que de jeunes qui intégreront le marché du travail. Cela entraîne, en soi, une croissance plus faible.

C’est une des raisons pour lesquelles l’OCDE prévoit que d’ici à l’an 2060, aucun grand pays industrialisé ne croîtra aussi lentement que l’Allemagne.

La reprise économique robuste et la hausse du taux d’utilisation des capacités entraîneront également une augmentation du taux d’inflation. Selon les prévisions de décembre, la zone euro enregistrera une augmentation moyenne du taux d’inflation de 1,3% cette année et de 1,5%, respectivement 1,7%, les deux prochaines années.

Comme je l’ai dit, telles étaient les prévisions de décembre. Depuis, le taux d’inflation a augmenté plus fortement que prévu – dernièrement à 1,8%. Pour l’ensemble de l’année 2017, les prévisions d’inflation devraient également être sensiblement augmentées. En Allemagne, où l’effet par rapport au pronostic de décembre devrait s’élever à un demi-point de pourcentage, certains ont donc déjà évoqué le « retour de l’inflation ».

Cependant, cette hausse des prix est surtout due à l’augmentation des prix du pétrole, qui s’est sensiblement renchéri depuis fin novembre. Or, le pétrole était très bon marché au début de l’année dernière. En comparaison annuelle, il en résulte ainsi une hausse particulièrement forte. En supposant que le prix du pétrole ne poursuit pas sa hausse, nous devrions, au plus tard à la fin de l’année, assister à des taux d’inflation plus faibles.

La pression intérieure sur les prix, sans tenir compte de l’évolution des prix de l’énergie et d’autres composants volatiles de l’index des prix à la consommation, est actuellement encore relativement faible. Dernièrement, le taux d'inflation sous-jacente s’élevait à environ 1%.

Le fait que le taux d’inflation se situait dès le début de l’année au-dessus des prévisions – et devrait encore rester au-dessus pendant un certain temps – montre clairement de mon point de vue : nous sommes bien loin d’une menace de déflation, donc d’une spirale descendante des salaires et des prix, telle qu’elle a été évoqué justement par certains pour justifier les achats de titres d’emprunt.

Je ne suis d’ailleurs pas seul à être de cet avis. Les acteurs des marchés financiers semblent le partager : la probabilité dérivée des options d’inflation que le taux d’inflation deviendra négatif dans les cinq prochaines années n’a plus été aussi faible depuis l’été 2011.

Selon les prévisions de l’Eurosystème, la pression intérieure sur les prix va lentement augmenter, car avec la reprise progressive dans la zone euro, le taux d’utilisation des usines se renforcera et les salaires grimperont plus rapidement. Cela se traduira aussi dans le taux d'inflation sous-jacente qui, selon les prévisions de décembre, s’établira en 2019 à 1,7 pour cent.

Dans cette situation complexe, une orientation expansive de la politique monétaire reste certainement appropriée. Mais on peut très bien se demander, comme l’a fait Yves Mersch il y a deux semaines, quand nous devrions resserrer les brides de la politique monétaire et si le Conseil des gouverneurs de la BCE ne devrait pas, en amont, concevoir sa communication de manière un peu plus symétrique, par exemple en renonçant à uniquement signaler que la politique monétaire pourrait, le cas échéant, être encore plus expansive,

d’autant plus que la politique monétaire très laxiste est largement transposée par les vastes achats de titres d’emprunt d’État que je vois, comme vous le savez, d’un œil très critique.

Les politiques monétaire et budgétaire sont de plus en mélangées, et les coûts de financement des États dépendent de plus en plus directement des décisions de politique monétaire. Cela est d’autant plus problématique que face à l’environnement actuel de taux d’intérêt bas, certains ministres des Finances pourraient considérer leurs budgets plus viables qu’ils ne le seraient dans un environnement de taux d’intérêt normal. Cela se manifeste aussi par le fait que malgré un endettement déjà élevé, les dépenses de certains pays de la zone euro ont même été supérieures, ces derniers temps, au soulagement apporté aux finances publiques en raison des conditions de financement favorables.

Lorsque les taux d’intérêt repartiront à la hausse, le poids des dettes publiques élevées apparaîtra toutefois de nouveau clairement. Les marchés pourraient eux aussi juger la viabilité des budgets publics de manière plus sceptique. Cela ne me surprendrais pas si dans une telle situation, la pression sur la politique monétaire augmenterait sensiblement de maintenir plus longtemps la politique monétaire expansive, eu égard aux coûts de financement des États ou pour éviter des risques de stabilité financière.

Le Greenspan-Put a illustré quelles désincitations pouvaient provenir d’une telle démarche asymétrique. Dans le cas extrême, la politique monétaire peut ainsi devenir prisonnière de la politique budgétaire ou des marchés. Mais elle ne doit avoir qu’un seul objectif, la stabilité des prix.

De plus, la banque centrale ne devrait pas être surchargée d’objectifs supplémentaires. Citons à titre d’exemple l’attente que la politique monétaire tienne compte aussi des effets de redistribution de ses mesures – nous avons amplement, et de manière critique, traité ce sujet dans notre Rapport mensuel de septembre 2016 – ou qu’elle assure durablement davantage de croissance. Or, la politique monétaire n’en est pas en mesure ! Elle peut, à brève échéance, stimuler la conjoncture ou la freiner légèrement, si cela s’avère nécessaire du point de vue de la stabilité des prix. Mais seule la politique est en mesure de mener l’économie sur un sentier de croissance durablement plus élevée, et ce en prenant des mesures appropriées en matière de politique du travail, de politique économique, de politique sociale et de politique fiscale.

Pour vous donner une idée de ce qu’on peut atteindre au moyen de mesures appropriées : le Fonds monétaire international a examiné quels pays de l’OCDE ont adopté leur système fiscal, leur marché du travail et leurs assurances sociales de manière à ce qu’ils soient le plus favorable à la croissance. Les économistes du FMI ont ensuite calculé ce qui se passerait si les États membres de la zone euro réduisaient de moitié leur écart avec les pays les plus performants. Le résultat est le suivant : la croissance dans la zone euro augmenterait dans les années suivantes d’un peu moins d’un point de pourcentage par an[1].

Étant donné que les taux d’intérêt à long terme se composent tout au long du cycle pour l’essentiel de la tendance de croissance et les anticipations d'inflation, cela serait une contribution importante pour que les taux d’intérêt repartent à la hausse. 

Dans ce contexte, cela pèse d’autant plus lourd que d’autres études du FMI, mais aussi de l’OCDE, parviennent à la conclusion que le dynamisme de réforme a nettement diminué dans les pays de la zone euro.

3 Agenda du G20 : Commerce libre et régulation du marché financier

Mesdames, Messieurs,

certaines conditions nécessaires à une croissance dynamique ne peuvent toutefois être créées qu’au niveau international. Des marchés concurrentiels, par exemple, qui sont garantis par des contrats et des accords qui assurent le libre-échange de biens, de capitaux et de services – et, dans l’Union européenne, la libre circulation des travailleurs.

3.1       Le libre commerce

En ce qui concerne ce point, les perspectives se sont certainement assombries l’an dernier.

Le gouvernement britannique a entre-temps annoncé de vouloir quitter non seulement l’UE, mais aussi le marché intérieur. Il est actuellement impossible de prévoir si et, dans l’affirmative, quand et avec quel contenu l’accord de commerce bilatéral recherché avec l’UE sera réalisé. Il est probable que le Royaume-Uni sera alors, en ce qui concerne le commerce, moins lié à l’UE que la Norvège, qui appartient au moins à l’Espace économique européen, ou la Suisse, qui a conclu des accords bilatéraux avec l’UE.

On entend même des paroles protectionnistes du nouveau gouvernement des États-Unis.

Dans d’autres pays aussi, beaucoup de citoyens perçoivent actuellement surtout les inconvénients qu’apportent sans aucun doute la mondialisation, mais aussi le progrès technique, pour certains.

Les avantages du libre-échange sont de plus en plus perdus de vue – peut-être aussi parce qu’ils ne sont pas autant visibles ou attribuables que les inconvénients.

De mon point de vue, nous ne devons toutefois pas oublier :

des marchés ouverts et un ordre économique concurrentiel constituent des piliers sur lesquels repose notre prospérité.

Le commerce international n’est justement pas, du point de vue macroéconomique, un jeu à somme nulle, dans lequel un pays gagne au détriment d’un autre.

Cela a certainement été une négligence que la politique et la science n’ont pas, dans le passé, suffisamment insisté sur le fait que la pression concurrentielle déclenchée par le commerce international touche justement les salariés moins qualifiés.

Le protectionnisme et le repli sur soi ne constituent toutefois pas une véritable solution, d’autant moins qu’avec des marchés fermés, le progrès technique a un effet similaire sur les salariés moins qualifiés.

La bonne réponse consiste à permettre aux citoyens de profiter de la mondialisation. Au moyen de meilleures écoles et universités ainsi que par une formation tout au long de la vie, les citoyens peuvent mieux tirer profit d’un environnement en mutation permanente. Des marchés du travail et des produits flexibles contribuent également aux changements structurels, sans que cela n’entraîne un chômage persistant, parce que les anciens emplois sont remplacés plus rapidement par de nouveaux.

Les réformes du marché du travail mises en œuvre au milieu des années 2000 me paraissent une bonne illustration de ce rapport. Elles avaient pour résultat en Allemagne qu’un grand risque de pauvreté, à savoir le chômage, a été réduit.

Je suis en tout cas persuadé qu’une combinaison entre des marchés ouverts et des structures économiques plus favorables à la croissance génèrent des gains de productivité, davantage d’emplois et des hausses de revenus. Cela permet aussi d’atténuer des tensions sociales au moyen d’un système de taxation et de transfert ciblé. Si on parvient ainsi à réaliser la promesse de « prospérité pour tous » faite par l’ancien chancelier Ludwig Erhard, cela renforcera en même temps la confiance en une société ouverte et pluraliste.

Une croissance inclusive et durable est aussi inscrite à l’agenda du processus G20. La Bundesbank s’attachera, conjointement avec le gouvernement fédéral, également lors des prochaines réunions du G20, à promouvoir des marchés ouverts (ainsi qu’un commerce équitable). En ces temps d’une incertitude prononcée, une coopération constructive des principaux acteurs dans le cadre du G20 est certainement encore plus importante que cela n’est déjà le cas.

3.2       La réglementation du marché financier

L’importance de la coopération internationale dans le domaine des grands thèmes transfrontaliers peut également être perçue à travers la réglementation du marché financier. Les États du G20 ont, suite à la crise, rapidement pris des mesures amples et coordonnées, supprimé des désincitations essentielles dans le système financier et sensiblement réduit la menace d’un arbitrage réglementaire ou d’une course à la déréglementation.

L’agenda relatif à la réglementation nous a fortement occupés ces dernières années. Mais aujourd’hui, pratiquement tous les points ont été traités. La Bundesbank participe intensivement à ce processus, tant par le biais de l’organisme de réglementation international central au sein de la surveillance bancaire, à savoir le Comité de Bâle, que par l'intermédiaire du Conseil de stabilité financière, le Comité européen du risque systémique et – au niveau national – le Comité de stabilité financière.

En ce qui concerne la réglementation bancaire, la finalisation de Bâle III figurait au programme de l’année 2016. Il s’agissait principalement de résoudre la question de savoir dans quelle mesure les banques peuvent s’appuyer sur leurs propres modèles pour calculer leurs exigences en fonds propres relatives à leur risque de crédit. Les surveillants veulent réduire le danger que des instituts, en utilisant de tels modèles, réduisent leurs risques – et donc leurs exigences en matière de fonds propres – sans toutefois remettre fondamentalement en question le principe de l’approche basée sur le risque.

Les travaux nécessaires ont été achevés dans une large mesure au cours de l’année 2016. Le point essentiel toujours en suspens est celui de la calibration de l’output-floor, c’est-à-dire du seuil pour les exigences en fonds propres calculé à l’aide des propres modèles des banques.

Jusqu’à récemment, la Bundesbank a participé à la recherche d’un compromis. Mais tant que les États-Unis n’auront pas désigné de nouveaux négociateurs et défini leur position, les entretiens n’avanceront pas. Il serait toutefois de notre intérêt à tous de les reprendre rapidement. En effet, l’incertitude sur le plan réglementaire, entraînée par des retards au niveau de Bâle III, pèse sans conteste sur les banques.

Je suis persuadé que la révision coordonnée à l’échelle internationale de la réglementation bancaire a renforcé la stabilité du système financier au cours des dernières années. Une course à la déréglementation serait par conséquent dangereuse.

Dans les discussions, il est souvent renvoyé aux effets de croissance prétendument négatifs d’une diminution de la réglementation. Or, nous avons appris au cours des dernières années, de manière certainement plus marquée que nous l’aurions souhaité, que des marchés bancaires et financiers insuffisamment réglementés nuisent à la croissance, et ce très massivement, au plus tard lorsqu’ils mènent à une crise financière.

Mesdames, Messieurs,

Dans le domaine du libre commerce et de la réglementation bancaire, personne ne sait encore quelle suite sera donnée à la coopération internationale.

Dans d’autres domaines politiques, le statu quo est également remis en question – je pense par exemple à l’architecture de sécurité internationale.

L’Europe, en particulier, est non seulement confrontée au défi du Brexit, mais aussi à la désillusion, dans de nombreux pays membres, en ce qui concerne l’UE.

Dans ce contexte, il y a des voix qui demandent maintenant une coopération plus étroite des pays de la zone euro.

Une Europe forte et unie est un objectif digne d’être atteint.

Des propositions qui, comme cela a été le cas récemment, visent dans leur noyau à serrer les rangs au moyen d’une responsabilité commune, ne me convainquent toutefois pas.

Pour rendre l’Union monétaire durablement plus stable, l’on a soit besoin d’une union budgétaire. La volonté de transférer les droits souverains correspondants au niveau européen n’apparaît pas actuellement et a probablement plutôt diminué.

Ou alors, on renforce le cadre existant de réglementation décentralisé, et ainsi la responsabilité propre des États membres et des investisseurs. La Bundesbank a présenté des points d'ancrage correspondants, dernièrement dans son Rapport mensuel de juillet 2016. Là aussi les résistances sont fortes.

Mais aussi sans un plus de responsabilité commune, il existe encore suffisamment d’autres thèmes que les gouvernements européens peuvent soulever pour montrer que l’Europe fonctionne et est utile aux citoyens. Pensez aux nouveaux défis pour l’Europe, comme par exemple la sécurité intérieure et extérieure ou la question de la conception future des marchés numériques. C’est en commun que l’Europe peut le mieux surmonter ces défis.

4 Bénéfices distribuables de la Bundesbank et protection contre les risques

Mesdames, Messieurs,

avant de conclure, j’en viens maintenant à nos comptes annuels et donc aussi aux bénéfices distribuables de la Bundesbank.

Le compte de profits et pertes pour l’exercice 2016 clôt avec un résultat d'exercice de 1 milliard d’euros.

Ce montant est inférieur de 2,2 milliards d’euros par rapport à l’exercice précédent.

Étant donné par ailleurs qu’une partie du résultat d'exercice est soumise à une interdiction de versement, nous allons aujourd’hui verser uniquement le bénéfice distribuable restant d’un montant de 399 millions d’euros au Trésor public. Il s’agit là du plus faible virement depuis 2004, lorsqu’un bénéfice distribuable pour 2003 de 248 millions d’euros avait été versé.

La raison pour laquelle nous ne sommes pas en mesure de distribuer l’ensemble des bénéfices cette année est que la Bundesbank, comme de nombreuses entreprises, applique elle aussi le Code de commerce allemand pour établir son bilan.

L’an dernier, les dispositions du Code de Commerce allemand relatives aux obligations en matière de prévoyance retraite ont été modifiées. Elles doivent désormais être actualisées au taux moyen du marché des dix derniers exercices contre une moyenne de sept exercices précédemment.

Les obligations en matière de prévoyance retraite sont donc rémunérées à un taux d’intérêt moyen plus élevé. Cela entraîne un bénéfice comptable qui ne peut pas faire l'objet d'une distribution, puisque nous devrons, bien entendu, tout de même verser la prévoyance retraite à un moment ultérieur. 

C’est la raison pour laquelle nous avons affecté le montant d’abattement à une réserve.

J’avais mentionné au début que la politique monétaire laissait des traces dans le bilan des banques centrales. Ainsi par exemple, l’augmentation du surplus de liquidités des banques due aux achats persistants de titres d’emprunt ainsi que les taux d’intérêt négatifs des dépôts ont entraîné pour la Bundesbank une hausse des revenus d’intérêt nets de 1 milliard d’euros par rapport à l’exercice précédent.

Il est intéressant de noter qu’aujourd’hui, les produits d’intérêt sont réalisés sur le passif du bilan, alors que l’actif – c’est là que nous acquérons, dans le cadre du programme d’achat d’actifs, surtout des titres de l’État fédéral faiblement rémunérés – ne rapporte presque plus rien.

Ces produits d’intérêt ne sont toutefois pas durables, du moins pas lorsque les taux remontent. Bien au contraire : Alors que le côté actif ne générera, même à long terme, guère de revenus en raison de ses échéances relativement élevées, des dépenses d'intérêt peuvent rapidement se créer pour les dépôts au passif en cas de hausse des taux directeurs. Au total, cette asymétrie d’échéances peut alors entraîner des pertes.

Aux risques de change, risques de crédit issus des opérations de refinancement et risques de défaut issus à l’achat de titres d’emprunt dans le cadre de la politique monétaire, qui sont déjà pris en compte dans nos provisions pour risques, s’ajoutent maintenant des risques pour variation des taux d’intérêt.

J’avais déjà annoncé l’an dernier lors de notre conférence de presse sur le bilan que nous devrons traiter ce thème.

Avec une position d’intérêt en cours d’environ 300 milliards d’euros, une hausse des taux directeurs d’un point de pourcentage entraîne une charge financière annuelle d’un ordre d’environ 3 milliards d’euros.

Ceci est pour nous une nouvelle situation. En effet, tant que la politique monétaire ne définissait que les taux d’intérêt à court terme sur le marché monétaire, le bilan de la Bundesbank n’était pas, de fait, alourdi de risques de variation des taux d’intérêt. La majeure partie des actifs portants intérêts était à court terme – presque essentiellement des opérations de mise en pension de valeurs mobilières avec des banques – et était opposée aux billets en circulation qui n’étaient pas porteurs d’intérêts. Le surplus de liquidités et ainsi pour l’essentiel les dépôts des banques auprès de la Bundesbank avait à l’époque tout au plus un très faible volume. Nos opérations de politique monétaire assuraient donc une contribution sûre au bénéfice.

Surtout en raison de ce risque de variation des taux d’intérêt, nous avons décidé d’augmenter cette protection contre les risques de 1,75 milliards d’euros.

Dans un instant, M. Thiele vous apportera des informations complémentaires.

Je tiens cependant encore à vous signaler que les décisions de politique monétaire ne doivent pas être mesurées par rapport au bénéfice de la banque centrale, mais uniquement par rapport à l’objectif de la stabilité des prix.

Note:

  1. Spilimbergo A, Berger H, Schindler M, éditeurs (2014). Jobs and Growth - Supporting the European Recovery. Fonds monétaire international