Déclaration liminaire à l’occasion de la conférence de presse sur le bilan 2017

1 Introduction

Mesdames et Messieurs,

Je vous souhaite la bienvenue à notre conférence de presse sur le bilan.

Avant d’aborder les principaux points de nos comptes annuels, je vais être fidèle à la tradition et prononcer quelques paroles au sujet de l’évolution économique et de la politique monétaire. Et je vais également aborder le thème du cadre réglementaire de l’Union monétaire qui régit également la politique monétaire dans la zone euro. En effet, grâce aux propositions du président français, Emmanuel Macron, et de la Commission européenne, le débat sur le développement de l’Union monétaire s’est sensiblement accéléré au cours de l’année passée.

Suite à mes propos liminaires, M. Thiele vous expliquera de manière plus détaillée quelques aspects choisis de nos comptes annuels. Ensuite, nous serons comme toujours à votre disposition pour répondre à vos questions.

2 Rétrospective sur l’année 2017

Comme vous le savez, l’année 2017 était celle de la présidence allemande du G20. Nous sommes parvenus à inscrire à l’agenda international des thèmes importants tels que les effets de la digitalisation sur le secteur financier et les cyber-risques. Depuis, les ministres des Finances et les gouverneurs de banque centrale ont identifié les cyber-risques comme un risque systémique potentiel. Notamment l’attaque WannaCry, perpétrée en été 2017 illustre qu’il est judicieux que les autorités de surveillance observent très attentivement ce sujet.

Par ailleurs, les négociations sur l’accord Bâle III ont pu être achevées au cours de l’année écoulée. Ce fut une étape supplémentaire pour rendre le système bancaire plus sûr. Avec cet accord, les banques disposent désormais d’une sécurité de planification, puisqu’elles peuvent maintenant évaluer les exigences de capital liées par exemple à leurs décisions en matière de crédits ou de placements.

Dans le domaine de la surveillance macroprudentielle, le législateur allemand a créé l’an passé de nouveaux instruments macroprudentiels pour le marché de l’immobilier résidentiel, ce qui a également été une contribution importante pour renforcer la stabilité financière. En effet, les autorités de surveillance ont ainsi été dotées de la base légale pour prendre des mesures contre un octroi trop laxiste de crédits immobiliers destinés à l’acquisition de logements si la situation sur le marché de l’immobilier résidentiel devait entraîner des risques pour la stabilité financière.

Et nous avons, l’an passé, été évidemment occupés aussi par le Brexit. Cela vaut surtout pour nos surveillants bancaires qui, conjointement avec l'Office fédéral allemand de surveillance du secteur financier (BaFin) et la BCE, élaborent une transition sans heurts pour l’industrie financière. Cela signifie en particulier qu’il faut effectuer un travail d’information et se tenir à la disposition des établissements qui ont jusqu’à présent réalisés leurs opérations européennes depuis Londres et qui veulent maintenant créer ou renforcer une présence en Allemagne.

Actuellement, l’Union européenne et le Royaume-Uni négocient au sujet de leurs relations futures et d’une éventuelle phase de transition. Pour l’instant, il n’est toutefois pas possible de prévoir comment les relations futures se présenteront et si une phase de transition sera effectivement mise en place.

Les établissements financiers ne devraient donc pas se bercer dans un faux sentiment de sécurité. Les banques qui souhaitent poursuivre leurs activités dans l’espace économique de l’autre partie – donc dans un pays de l’UE27 ou respectivement au Royaume-Uni – devraient y créer les unités de base nécessaires. Et pour l’UE, ces unités de base sont plus que des sociétés "boîtes aux lettres". Pour les domaines fonctionnels critiques, elles doivent donc occuper à tout moment du personnel qualifié suffisant sur le site respectif dans l’UE.

Nous avons par ailleurs achevé l’an passé le transfert de nos réserves d’or. Vous vous souvenez que le directoire de la Bundesbank avait décidé en 2012 de rapatrier jusqu’en 2020 une partie des réserves d’or allemandes stockées à l’étranger. Nous avons maintenant achevé ces transferts avec succès et beaucoup plus tôt que prévu.

L’or allemand n’est désormais stocké que sur trois sites : la moitié des réserves d’or se trouve chez nous à Francfort. L’autre moitié est stockée auprès de nos deux banques centrales partenaires, la Federal Reserve Bank à New York et la Banque d’Angleterreà Londres.La répartition des réserves d’or sur les différents sites avait principalement des raisons historiques. Avec les transferts sur les sites de stockage restants, la Bundesbank s’est adaptée à un environnement modifié dans une perspective de sécurité, de liquidité et d’efficacité par rapport aux coûts.

Mesdames, Messieurs,

Cette énumération partielle vous montre que nous avons été sollicités dans toute la gamme de nos tâches – et celles-ci ne se limitent pas à la politique monétaire. Mais lorsqu’il s’agit de la présentation de nos comptes annuels, alors le bilan de la banque centrale et donc aussi le compte de profits et pertes est bien sûr largement défini par la politique monétaire.

3 Politique monétaire

J’en viens maintenant à la situation économique et la politique monétaire.

L’an passé, l’évolution économique était très réjouissante – en Allemagne, dans la zone euro et au-delà. La reprise s’est encore accélérée notamment au cours du second semestre. La reprise repose maintenant partout sur de solides fondations.

Par rapport à l’année précédente, la croissance s’est accélérée l’an passé dans 120 pays, y compris dans la grande majorité des pays de la zone euro, où l’activité économique a enregistré en 2017 une hausse nettement plus forte que l’année précédente. En moyenne annuelle, le taux de croissance s’est élevé à 2,5 pour cent, ce qui correspond à la meilleure valeur depuis dix ans. C’est une des raisons pour lesquelles le taux de chômage est tombé avec 8,7 pour cent au niveau le plus bas depuis début 2009.

De nombreux indicateurs de confiance pour la zone euro se situent à des niveaux historiquement élevés. L’on peut donc supposer que l’évolution conjoncturelle favorable se poursuivra dans un premier temps. Les économistes de l’Eurosystème ont par conséquent encore une fois relevé en décembre dernier leurs prévisions de croissance pour cette année et l’année prochaine. Ils s’attendent pour cette année et l’année prochaine à des taux de croissance de 2,3 pour cent, respectivement de 1,9 pour cent.

Il est clair que tous les pays de la zone euro n’enregistrent pas le même rythme de croissance. Mais la bonne nouvelle est que la variation des taux de croissance dans la zone euro a reculé au cours de l’année. La reprise y repose donc également sur de solides fondations.

L’Allemagne se trouve maintenant même dans une phase de haute conjoncture. En 2017, le taux d’emploi a atteint de nouveaux pics et le taux de chômage s’est situé à la fin de l’année au niveau le plus bas depuis la réunification. La consommation des ménages et l’investissement en logements ont profité de la bonne situation sur le marché du travail ; la forte utilisation des capacités a également entraîné une hausse sensible des investissements commerciaux et industriels. Au total, l’économie allemande a crû en 2017, après élimination des facteurs saisonniers et correction des jours ouvrables, de 2,5 pour cent. Pour cette année, nous tablons sur un taux de croissance identique.

L’économie croît donc depuis quelque temps déjà plus rapidement que le potentiel de production, et ce tant dans la zone euro qu’en Allemagne. Les capacités des entreprises sont de plus en plus utilisées, ce qui signifie également que la situation de l’économie réelle et l’orientation de la politique monétaire ont rarement été plus éloignées l’une de l’autre qu’aujourd’hui.

Cela est dû au fait que malgré l’amélioration de la situation économique, la pression sur les prix dans la zone euro est demeurée relativement faible au cours de l’année 2017. Un prix du pétrole plus élevé et la reprise consolidée ont toutefois contribué en 2017 à une hausse des prix nettement plus marquée qu’en 2016. Le léger recul du taux d’inflation global au cours des deux derniers mois est dû, outre des facteurs exceptionnels, au fait que l’effet du prix du pétrole tend maintenant à ne plus influencer la hausse des prix à la consommation.

La faible pression intérieure sur les prix est un indice que certains pays sont toujours occupés à améliorer leur compétitivité-prix par le biais d’une modération salariale. Et en Allemagne, l’afflux de main-d'œuvre d’autres pays de l’Union européenne au cours des dernières années a freiné la pression salariale et donc la pression intérieure sur les prix.

Le Conseil des gouverneurs de la BCE était par conséquent unanimement d’avis qu’il était nécessaire de poursuivre la politique monétaire expansive. Nous étions en même temps d’accord sur le fait que la reprise plus dynamique permettait de réduire l’achat mensuel de titres.

Le Conseil des gouverneurs de la BCE avait donc décidé en octobre 2017 de réduire le volume des achats mensuels de titres par l’Eurosystème à partir de janvier 2018 de 60 milliards d’euros à 30 milliards d’euros.

Mais vous savez certainement aussi qu’à mon avis, une réduction plus rapide des achats de titres et la définition d’une date finale précise aurait été tout à fait justifiable.

En effet, certains indices semblent attester que la tendance vers une hausse de la pression intérieure sur les prix se poursuivra. La situation économique favorable confirme la conviction que nous avons au sein du Conseil des gouverneurs de la BCE que l’inflation se rapprochera de l’objectif d’un taux inférieur à mais proche de 2 pour cent. Cela se reflète par ailleurs aussi dans les dernières prévisions des prix établies par l’Eurosystème.

Et c’est ce que fait également apparaître l’accord salarial actuel dans l’industrie métallurgique ­et électronique allemande. Celui-ci correspond non seulement aux attentes sur lesquelles nous avions basé nos prévisions, mais il montre aussi que la courbe de Phillips est toujours pertinente en Allemagne.

Les marchés avaient également tablé en octobre dernier sur une fin des achats de titres d’ici à la fin de l’année 2018. Dans ce contexte, l’indication que la politique monétaire demeurera très expansive même après la fin des achats nets de titres est aussi très importante.

Le degré d’expansion de la politique monétaire au sein de la zone euro est en effet moins défini par le volume mensuel des achats que par le stock de titres dans le bilan de l’Eurosystème. Et celui-ci s’élève maintenant à environ 2,3 billions d’euros.

Il est par ailleurs bien connu que ce stock de titres demeurera constant également après l’expiration des achats nets, puisque le Conseil des gouverneurs de la BCE avait décidé il y a quelque temps déjà de réinvestir jusqu'à nouvel ordre les produits des titres arrivant à échéance en nouveaux titres également après l’expiration des achats nets.

Une fin des achats nets ne signifie donc pas – en matière de politique monétaire – de freiner à fond, mais seulement de réduire quelque peu la vitesse.

Par ailleurs, l’appréciation récente de l’euro ne change en rien l’orientation très expansive de la politique monétaire de l’Eurosystème. En effet, l’évolution du cours de l’euro est – du moins en partie – une réaction aux perspectives de croissance améliorées de la zone euro. Il existe en outre des indications selon lesquelles des fluctuations du taux de change ont aujourd’hui un impact plus faible sur le taux d’inflation que cela n’était le cas auparavant.[1] Mais il est bien sûr évident que le Conseil des gouverneurs de la BCE observera toujours attentivement les effets de fluctuations du taux de change sur l’objectif de la stabilité des prix.

Mesdames, Messieurs,

Il me semble qu’une chose est également claire : Un retour à la normale en matière de politique monétaire dans la zone euro prendra un certain temps. Il est donc important, à mon avis, de réduire de manière progressive et fiable le degré d’expansion de la politique monétaire dès lors que les perspectives en matière d’évolution des prix dans la zone euro le permettent.

Les turbulences sur le marché des actions intervenues au début du mois montrent que la fiabilité joue un rôle particulièrement important dans la communication. Du point de vue de la politique monétaire, il est évident que nous ne nous attachons pas au mât comme l’avait fait Ulysse, mais nous prenons nos décisions toujours sur la base des données et prévisions actuelles. Mais notre fonction de réaction en matière de politique monétaire­ devrait être claire.

L’environnement actuel de taux d’intérêt bas soutient certes la reprise dans la zone euro, mais la rend en même temps vulnérable en cas d’un nouveau ralentissement économique.

Les taux bas créent une sorte d’illusion de soutenabilité, par exemple dans le domaine des finances publiques. Dans ce contexte, il m’inquiète sérieusement que beaucoup de ministres des Finances n’utilisent pas résolument les économies réalisées en raison des taux bas et de l’évolution conjoncturelle favorable pour placer les finances publiques sur une base solide à plus long terme.

Les indicateurs des finances publiques se sont certes améliorés au cours de l’année passée – le ratio de la dette publique et le ratio du déficit devraient avoir baissé pour l’ensemble de la zone euro, mais des chiffres définitifs ne sont pas encore disponibles. Cette amélioration de la situation budgétaire n’est cependant pas due à des efforts de consolidation.

Les excédents primaires corrigés des variations conjoncturelles – à partir desquels vous pouvez évaluer les efforts de consolidation – ont eu tendance à stagner ou ont même baissé ces derniers temps.

L’évolution économique favorable ne doit pas cacher le fait qu’il reste encore beaucoup à faire dans le domaine des finances publiques. Il est en effet important que la viabilité des finances publiques n’est pas remise en question même lorsque les taux d’intérêt reviennent à la normale ou la situation économique se détériore de nouveau et que, par exemple, les stabilisateurs automatiques entrent en jeu.

Les ministres des Finances ne sont toutefois pas les seuls à être sollicités dans la phase actuelle de taux d’intérêt bas. Les banques doivent elles aussi faire des efforts pour se préparer aux changements de la constellation de base macroéconomique car, en fin de compte, une dégradation de la conjoncture peut en effet aller de pair avec une nouvelle hausse des risques de crédit.

Parmi les effets secondaires de la politique monétaire ultra-laxiste, il convient de citer le fait que les charges des banques augmentent au fur et à mesure que persiste l’environnement de taux bas. Si celui-ci est suivi d’une hausse abrupte des taux d’intérêt, les bénéfices des banques sont considérablement réduits. C’est ce qui ressort d’un sondage sur l’environnement de taux d’intérêt bas que nous avons réalisé de nouveau l’an dernier avec l'Office fédéral allemand de surveillance du secteur financier (BaFin) parmi les banques que nous surveillons.

Le sondage nous a également appris que les banques et caisses d'épargne allemandes de petite et moyenne taille prévoient d’élargir des sources de produits alternatives, comme par exemple les opérations de commission, afin de compenser le recul des marges dans les opérations d’intérêts. Elles veulent en outre prendre des mesures de réduction de coûts. Dans l’ensemble, les établissements prévoient cependant majoritairement une baisse continue des excédents annuels jusqu’en 2021. Cela signifie aussi qu’elles disposent de moins de marge dans le cadre de leurs propres planifications pour renforcer davantage, le cas échéant, leurs tampons de capitaux. 

Étant donné que les établissements sont actuellement pour la plupart bien capitalisés, ils peuvent aussi amortir dans une certaine mesure les charges futures issues d’un environnement de taux d’intérêt bas susceptible de persister. Mais plus la phase de taux d’intérêt bas dure et plus vite le retour à la normale doit être effectué, plus les banques devront se prémunir.

4 Profiter de l’évolution conjoncturelle favorable pour procéder à des réformes

Mesdames, Messieurs,

La politique financière et les banques ne sont pas les seules à ne pas devoir se laisser berner par la bonne conjoncture actuelle et ignorer qu’il est toujours nécessaire d’agir.

Cela vaut également pour d’autres domaines politiques.

L’amélioration actuelle de la situation économique est avant tout un phénomène cyclique. Les perspectives de croissance à long terme ne se sont pas améliorées.

Selon des calculs récents de la Commission européenne, le potentiel de croissance sera toujours, dans les années à venir, inférieur à celui enregistré avant l’éclatement de la crise financière.

Il serait dangereux de miser sur la politique monétaire lorsqu’il s’agit de reconduire les économies nationales de la zone euro sur un chemin de croissance durablement plus élevée. La politique monétaire n’a pas d’influence sur la croissance à long terme. Seuls les gouvernements peuvent ramener les économies nationales sur un chemin de croissance durablement plus élevée – et ce au moyen de mesures appropriées en matière de politique du marché du travail, de politique de la concurrence et de politique sociale.

C’est pourquoi le Conseil des gouverneurs de la BCE attire régulièrement l’attention sur le fait que la politique monétaire très expansive doit être accompagnée de réformes structurelles promouvant la croissance.

En Allemagne également, la situation économique actuellement favorable ne constitue pas une raison pour se reposer sur ses acquis. En effet, le pays enregistre lui aussi une tendance vers des taux de croissance moyens plus faibles qui ont pour conséquence que l’Allemagne va sans doute réaliser d’ici à 2030 la croissance économique la deuxième plus faible de tous les 42 pays membres de l’OCDE.

D’une part, la croissance moyenne de la productivité par heure de travail diminue depuis 1970. D’autre part, le marché du travail perdra dans les prochaines années un grand nombre de spécialistes qualifiés, ces deux facteurs freinant le potentiel de croissance.

C’est pourquoi il importe également en Allemagne de renforcer la hausse de la productivité, par exemple en profitant des possibilités qui se présentent avec la digitalisation et le progrès technologique. Cela nécessite une infrastructure digitale performante ainsi qu’un système de formation qui permet à un maximum de personnes de tirer profit des chances offertes par les nouvelles technologies.

Des marchés du travail et de produits flexibles, en combinaison avec une protection sociale ciblée, créent en plus la base permettant vraiment à la main-d’œuvre de se déplacer dans les domaines les plus productifs.

Il sera essentiel dans les années à venir de renforcer le potentiel de la population active en augmentant encore, par exemple, la part des femmes dans la population active et en renonçant au moins à créer de nouvelles incitations à une retraite anticipé.

Le recul de la population active qui se dessine pourrait également être atténué par le recours à une main-d’œuvre spécialisée venue de l’étranger.

5 Poursuivre le développement de l’Union monétaire

Il est également nécessaire d’agir en ce qui concerne le cadre réglementaire de l’Union monétaire.

La création du Mécanisme européen de stabilité (MES) et la mise en place de la surveillance bancaire européenne commune (MSU) ont renforcé la résilience de la zone euro. Ce serait toutefois une erreur de croire que la zone euro est désormais armée contre toutes les crises.

Dans cette optique, je me suis réjoui du fait que le débat sur la poursuite du développement de l’Union monétaire a repris de la vitesse l’an passé.

Dans un discours prononcé en septembre, le président français, Emmanuel Macron, a proposé entre autres de communautariser d’autres domaines politiques – comme la défense, la migration ou la protection du climat –, c’est-à-dire de décider ensemble de ces tâches et de les financer en commun.

En fin d’année, la Commission européenne a elle aussi soumis des propositions en vue d’une intégration européenne plus profonde.

Mesdames, Messieurs,

Les défis liés à la lutte contre le changement climatique, la protection des frontières extérieures et le développement de réseaux de communication, d’énergie et de transport communs peuvent probablement être relevés plus efficacement au niveau européen qu’au niveau national.

À mon avis, il est toutefois essentiel de définir l’ordre des étapes à suivre en matière d’intégration. Il est judicieux de tout d’abord trouver un accord sur les politiques que l’on voudrait organiser ensemble. Ce n’est qu’ensuite que l’on devrait discuter d’un financement commun.

Inversement, il convient également par souci d’efficacité de se poser la question de savoir quels domaines de responsabilité de l’UE seraient éventuellement mieux attribués aux États membres. Le principe de subsidiarité, qui est toujours l’idée directrice de l’UE, prévoit en effet que des tâches ne sont transférées du niveau communal, régional ou national à l’UE que si elles peuvent y être réalisées de manière plus efficace. 

Lorsque les tâches sont réalisées ensemble, il paraît évident de les financer en commun. Et si le financement commun de ces tâches se base sur la performance économique, cela peut également avoir un certain effet stabilisateur en cas de chocs asymétriques.

Je pense par contre qu’une propre facilité de stabilisation pour amortir des chocs asymétriques est inutile et inopportune. Un État membre dont les finances publiques sont solides peut, en cas de ralentissement ou de crise, prendre des mesures budgétaires efficaces également dans le cadre réglementaire existant, sans contrevenir aux règles budgétaires ou être obligé de recourir à l’aide d’autres États. De plus, selon la conception des partisans d’une telle facilité de stabilisation, les pays aux finances publiques fragiles ne doivent de toute façon pas y recourir.

Et si une crise risque de surcharger financièrement un État membre, celui-ci peut avoir recours au MSU. Celui-ci accorde des aides sous conditions destinées à résoudre les problèmes économiques du pays. Je suis d’avis que cette pratique devrait être maintenue car avec les aides du MSU, des risques importants sont déjà repris par la communauté.

C’est précisément parce qu’il est si difficile de différencier dans la pratique entre des chocs spécifiques à un pays et des problèmes structurels, il existe toujours le danger qu’une telle facilité de stabilisation aboutit finalement en des paiements de transfert durables.

6 Bilan de la Bundesbank et excédent annuel

Mesdames et Messieurs, la question de savoir comment l’Union monétaire va se développer n’est pas sans importance pour le travail de la Bundesbank et de l’ensemble de l’Eurosystème.

Pour moi, il est essentiel de façonner le cadre réglementaire de l’Union monétaire de manière à ce que la politique monétaire soit libre de se concentrer sur son objectif d’assurer durablement la stabilité des prix.

Cela signifie en premier lieu de fixer les conditions-cadres de manière à ce que la politique monétaire ne soit pas soumise à des pressions visant à rendre d’importantes dettes viables, à compenser un faible potentiel de croissance par une politique monétaire laxiste ou à venir au secours des banques en leur accordant des aides de liquidités.

Il serait réjouissant si l’on parvenait cette année à développer le cadre réglementaire de manière à ce qu’il renforce la stabilité de l’Union monétaire. Ce cadre comprend également l’achèvement de l’union bancaire  – toutefois sous la condition que celle-ci ne mène pas à une communautarisation de charges héritées du passé, que le lien entre États et banques soit interrompue et que les systèmes de garantie efficaces, comme la garantie des établissements, puissent être maintenus. Cela aurait sans doute aussi des effets positifs sur la future politique monétaire qui serait moins souvent confrontée à la nécessité d’intervenir en tant que "pompier" en cas de crise.

Mais la politique monétaire est encore comme elle est – et elle a fortement marqué le bilan de l’exercice écoulé. Et c’est ainsi que j’en viens à mon troisième point : nos comptes annuels et le bénéfice de la banque centrale.

La politique monétaire expansive a conduit en 2017 une fois de plus à une extension de notre bilan. L’actif de notre bilan s’est surtout accru en raison des achats de titres et les opérations de refinancement à plus long terme ciblées (TLTRO-II).

Dans le cadre des programmes d’achat, nous avons ainsi acquis au cours de l’année des obligations d’une valeur nette d’environ 160 milliards d’euros, auxquels se sont ajoutés environ 30 milliards d’euros dans le cadre des opérations de refinancement à plus long terme.

Le passif du bilan enregistre surtout une hausse des dépôts des établissements de crédits ainsi que des déposants allemands et étrangers. Notre excédent de liquidités s’est élevé en fin d’année à environ 575 milliards d’euros.

L’extension de notre bilan est allé de pair avec une hausse de l’excédent annuel, qui s’est élevé pour l’exercice écoulé à 2,0 milliards d’euros. Ce montant est supérieur d’environ 1 milliard d’euros par rapport à l’exercice précédent.

Environ 100 millions d’euros de l’excédent annuel sont imputables au fait que suite à une modification du Code de commerce allemand, les obligations en matière de prévoyance retraite doivent désormais être actualisées à un taux moyen plus élevé. Le montant d’abattement qui en résulte est soumis, comme l’an passé, à une interdiction légale de versement.

Le bénéfice distribuable restant d’un montant de 1,9 milliard d’euros sera versé aujourd’hui au ministère fédéral des Finances et servira au financement du budget.

L’excédent annuel plus élevé est dû principalement à l’augmentation des dépôts des établissements de crédit au passif de notre bilan. Pour ces dépôts, nous percevons actuellement des intérêts négatifs de ‑0,4 pour cent.

En raison des faibles taux d’intérêt, l’actif du bilan n’affiche par contre pratiquement pas de produits d’intérêts, surtout en ce qui concerne les titres acquis dans le cadre du programme d’achat.

On assiste ainsi à un renversement de la constellation habituelle des produits de la banque centrale. En "temps normal", les produits sont réalisés à l’actif du bilan – notamment par les opérations de refinancement avec les banques. Maintenant la situation est inverse.

J’avais déjà attiré l’attention lors des deux dernières années sur le fait que cela engendre un important risque de taux d'intérêt pour la Bundesbank. En effet, en cas de hausse des taux directeurs, les produits d’intérêts réalisés au passif peuvent rapidement se transformer en charges d’intérêts. En raison de l’échéance relativement longue de ses placements, la Bundesbank ne réalisera toutefois pratiquement pas de bénéfices à l’actif du bilan, et ce même à plus long terme.

Avec la poursuite des achats de titres, les risques de taux d'intérêt se sont également accrus. Nous avons donc augmenté les provisions pour risques de 1,075 milliard d’euros.

Dans un instant, M. Thiele vous apportera des informations complémentaires à ce sujet.

Auparavant, je voudrais encore une fois réitérer mes propos de l’an passé : les décisions en matière de politique monétaire ne doivent pas être jugées sur la base du bénéfice ou de la perte réalisé par la banque centrale, mais uniquement sur la question de savoir si nous parvenons avec notre politique monétaire à garantir la stabilité des prix. En ce qui concerne ce critère, nous nous trouvons sur la bonne voie. Si la reprise se poursuit et que les prix augmentent en conséquence, il n’y a de mon point de vue aucune raison pourquoi le Conseil des gouverneurs de la BCE ne devrait pas mettre fin cette année aux achats nets de titres.

7 Conclusion et parole à M. Thiele

Je donne la parole maintenant à M. Thiele qui vous fournira des informations plus détaillées sur nos comptes annuels. Ensuite, nous serons à votre disposition pour répondre à vos questions.

Je vous remercie de votre attention.

Note:

  1. Voir Banque centrale européenne (2016), La transmission des variations de taux de change à l’inflation de la zone euro, Bulletin Économique 7/2016, p. 27 et suiv.