Joachim Wuermeling ©Nils Thies

Risques croissants : Nagel et Wuermeling appellent les banques à la vigilance

Compte tenu de la situation actuelle incertaine, le président de la Bundesbank, Joachim Nagel, et Joachim Wuermeling, membre du Directoire, appellent les banques allemandes à la vigilance. « Le revirement des taux d'intérêt est arrivé, et cela aide les banques à moyen et long terme », a déclaré M. Wuermeling à l’occasion du symposium « La supervision bancaire en dialogue » organisé en 2022 par la Bundesbank. Mais le point crucial serait de savoir comment les établissements gèrent – et surmontent – les charges à court terme. En effet, la hausse des taux d’intérêt ne serait qu’une partie du tableau général. Et celui-ci est, selon M. Wuermeling, plutôt sombre. En raison des taux d'inflation élevés, de pénuries d’énergie et de la menace d’une récession en Allemagne, les risques auraient définitivement augmenté. « Nonobstant cela, je pense actuellement que nous ne verrons pas l'année prochaine une contraction du crédit, voire une crise bancaire généralisée », a déclaré le membre du Directoire.

Les crédits immobiliers et les crédits aux entreprises pourraient se transformer en risques

Les effets de la hausse des taux d’intérêt dépendraient entre autres de l'horizon temporel, a indiqué M. Wuermeling, qui s'est concentré dans ses propos sur les banques de taille réduite. « À moyen et long terme, l'augmentation des taux d’intérêt est certainement une bonne nouvelle », a-t-il expliqué. Car celle-ci entraîne une hausse des marges d’intérêt des banques. A court terme, la plupart des banques devraient, selon M. Wuermeling, réévaluer au passif de leurs bilans beaucoup plus de positions qu’à l’actif. Tout d’abord, pour de nombreux établissements, les charges d’intérêt augmenteraient par conséquent probablement plus fortement que les revenus d’intérêt. La situation serait aggravée par le fait que la courbe des rendements était longtemps très plate, ce qui aurait poussé de nombreuses banques à pratiquer une forte transformation des échéances. Cette manœuvre aurait rendu les établissements plus vulnérables à une hausse des taux d’intérêt, a précisé M. Wuermeling. « Jusqu’à quel point ces risques se concrétisent, reste à déterminer ». De plus, la hausse des taux d’intérêt ferait baisser les cours des titres. Cela toucherait en particulier les banques qui n’auraient pas assuré les stocks respectifs dans leurs bilans – donc pour l’essentiel les banques de taille réduite. Selon M. Wuermeling, les crédits immobiliers et les crédits aux entreprises pourraient également se transformer en risques pour les établissements de crédit. En effet, la hausse des taux d’intérêt rendrait plus chère l’acquisition d’un bien immobilier, ce qui devrait atténuer les prix et la croissance des crédits. Des problèmes pourraient se poser en premier lieu aux emprunteurs qui, profitant du taux d’intérêt bas, ont financé leur bien avec une fixation du taux à court terme, un faible amortissement ou un service de la dette très élevé par rapport aux revenus. Si en plus le taux de chômage devait augmenter de manière significative, le problème pourrait s’étendre. « Si vous ajoutez à ce cocktail une baisse du prix de l’immobilier, en d’autres termes, une baisse de la valeur des garanties de crédit, une telle situation pourrait coûter cher aux banques ». Les entreprises devraient elles aussi rencontrer plus de difficultés à honorer leurs crédits. Jusqu’à présent, les défauts de crédit seraient toutefois l’exception. Le taux de crédits non performants dans les bilans des banques serait toujours faible, a indiqué M. Wuermeling. Selon lui, les banques allemandes sont toutefois stables dans l’ensemble grâce des fonds propres confortables. Cela serait également confirmé par le récent test de résistance effectué parmi les établissements de taille petite et moyenne. « Lorsqu’il y a une incertitude aussi importante qu’en ce moment, trois mesures sont utiles. Premièrement : agir avec prévoyance. Deuxièmement : s’attendre à une évolution sévère. Troisièmement : ne pas toucher aux fonds propres », a conclu M. Wuermeling.

Poursuivre fermement la normalisation de la politique monétaire

Le président de la Bundesbank, Joachim Nagel, a également souligné l’importance d’une forte base en capital. En plus, les banques devraient gérer leurs risques avec prudence afin de maintenir leur résilience, a-t-il demandé. « Ainsi, les banques seraient capables de continuer à l’avenir à remplir leur rôle important en tant que financier de l’économie », a déclaré M. Nagel.

Dans son discours, le président de la Bundesbank a aussi réclamé d’autres augmentations des taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation élevée dans la zone euro. « D’autres augmentations des taux d’intérêt sont nécessaires pour ramener le taux d'inflation à deux pour cent », a-t-il indiqué. Plus l’inflation restera élevée, plus il sera difficile pour la politique monétaire de rétablir la stabilité des prix. « C’est pourquoi je vais continuer à m’engager à ce que nous, en tant que Conseil des gouverneurs de la BCE, ne relâchions en aucun cas trop tôt nos efforts et que nous poursuivions avec persistance la normalisation en matière de politique monétaire. » Cela vaudrait même si ces mesures atténuaient l’évolution économique. Pour l'Allemagne, le président de la Bundesbank prévoit toujours des taux d'inflation élevés. « A mon avis, il est probable que dans la moyenne de 2023, le taux d’inflation affichera un sept avant la virgule », a indiqué M. Nagel. En Allemagne, le taux d'inflation avait atteint 10,4 pour cent en octobre. Dans la zone euro, les prix à la consommation étaient de 10,7 pour cent au-dessus du niveau du même mois de l’année précédente. En 2022, le taux d'inflation selon l’IPCH se situera probablement au-dessus de 8,5 pour cent, a précisé M. Nagel. Depuis des mois, le taux dépasse donc nettement l’objectif de deux pour cent à moyen terme. D’après le Conseil des gouverneurs de la BCE, auquel appartient aussi le président de la Bundesbank, la réalisation de cet objectif assure le mieux la stabilité des prix.

Le symposium organisé par la Bundesbank constitue depuis des années un des principaux événements en Allemagne portant sur les thèmes ayant trait aux banques et à la supervision bancaire. Parmi les intervenants figurait cette année le Président du conseil de surveillance prudentielle de la BCE, Andrea Enria. Malgré le fait que les taux d’intérêt continuent d’augmenter, il considère que la plupart des banques de la zone euro ne sont pas menacées. La diminution des fonds propres serait plus élevée pour certains modèles d’activité, tels que les banques de crédit à la consommation ou les banques de développement, a indiqué M. Enria.