Conférence virtuelle "Future of Payments" ©Frank Rumpenhorst

Weidmann : La politique monétaire ne devrait pas poursuivre des objectifs de répartition

Du point de vue du président de la Bundesbank, Jens Weidmann, les banques centrales ne devraient pas poursuivre des objectifs de répartition avec leur politique monétaire. « À cet égard, ce n'est pas seulement l'absence de légitimation démocratique, mais aussi le manque de précision des effets qui rend la politique monétaire peu appropriée pour procéder à des interventions ciblées destinées à résoudre des questions de répartition », a-t-il déclaré lors d’une conférence de recherche internationale organisée par la Bundesbank. Cette tâche relèverait de la responsabilité des gouvernements et des parlements, qui disposeraient à la fois de la légitimation démocratique et des instruments correspondants.

Des effets de répartition de la politique monétaire seraient plutôt vagues

Selon M. Weidmann, les effets de la politique monétaire sur l’inégalité en matière de patrimoine et de revenus sont particulièrement difficiles à évaluer. En effet, la politique monétaire pourrait influencer les revenus et le patrimoine des ménages par le biais de différents canaux directs ou indirects. Ainsi, des études suggéreraient que des mesures de politique monétaire non conventionnelles augmentent à court terme les inégalités de patrimoine en faisant progresser les valeurs boursières des titres. Toutefois, de nombreux propriétaires profiteraient également de la hausse des prix immobiliers. Par ailleurs, la politique monétaire accommodante aurait contribué à une plus forte croissance de la production, de l’emploi et des salaires. Ce seraient surtout les ménages à faibles revenus qui devraient avoir profité des effets de ce canal indirect, du fait que leur taux de chômage aurait ensuite probablement baissé de manière disproportionnée, a déclaré M. Weidmann. Par conséquent, la politique monétaire non conventionnelle devrait avoir réduit à court terme l’inégalité des revenus. Mais l’influence à moyen et long terme sur l’inégalité en matière de patrimoine serait plus difficile à évaluer.

Estimer l’effet global de la politique monétaire sur la répartition de la richesse serait ainsi comparable, selon le président de la Bundesbank, à la résolution d’un cube de Rubik. « Chaque facette provoque un mouvement des autres. En isolant un aspect – ou en essayant de fixer une face du cube – on court le risque d'ignorer d’autres canaux de transmission. »

La politique monétaire peut aider à atténuer les conséquences de la pandémie

En assurant la stabilité des prix, la politique monétaire contribuerait à stabiliser l'économie en périodes de crise et à endiguer le chômage. Des conséquences douloureuses, qui entraîneraient à plus long terme une hausse des inégalités, seraient ainsi également évitées, a indiqué M. Weidmann. « À cet égard, l'Eurosystème a, dans le cadre de sa politique monétaire, fortement contribué à atténuer les conséquences économiques de la crise actuelle », a-t-il déclaré.

La pandémie touche les ménages différemment

Selon M. Weidmann, les ménages en Allemagne auraient fortement réduit leurs dépenses de consommation au cours de la pandémie. Le taux d’épargne aurait bondi de 11 pour cent en 2019 à 16 pour cent en 2020. Dans une enquête de la Bundesbank, 40 pour cent des ménages avaient indiqué avoir subi l’an passé des pertes de revenus ou d’autres pertes financières. Les pertes de revenus auraient surtout touché les ménages aux revenus faibles, alors que ceux aux revenus élevés auraient davantage épargné en raison d’un manque de possibilités de consommer.

Dans son discours, le président de la Bundesbank s’est montré inquiet du fait que l’inégalité pourrait augmenter à cause de la pandémie. Ainsi, des pertes d’apprentissage en raison de la fermeture d’écoles pourraient réduire en particulier les chances des élèves désavantagés dans leur future vie professionnelle. De plus, les effets inégaux de la pandémie de coronavirus pourraient jouer un rôle important sur le marché du travail. La crise semblerait avoir particulièrement touché les jeunes, les femmes et les salariés à faible revenus, a précisé le président de la Bundesbank. Ainsi, selon un rapport de l’Office fédéral de la statistique, les salariés appartenant aux groupes de revenus plus élevés auraient beaucoup plus souvent la possibilité de recourir au télétravail que d’autres. « Compte tenu des différents risques d’une augmentation de l’inégalité liés au marché du travail, il est d’autant plus important que nous surmontions rapidement la pandémie et que les gouvernements apportent jusque-là le soutien nécessaire aux ménages et aux entreprises. »